Il y a un serpent dans ma botte ! | Harry

L'humeur de Barty Croupton Jr était changeante.

Par changeante, comprenez qu'il en avait assez de rester terré dans son coin à tabasser quelques moldus de passer. Il avait envie de bien plus grand.

Il rêvait, quelque part, de retrouver Alastor Maugrey, pour lui enlever l'idée saugrenue d'assassiner son cher et tendre, ce dernier étant déjà mort, il ne pouvait toutefois pas accomplir une vengeance tout à fait inutile.

Non, décidément, Barty voulait agir, il le sentait dans le plus profond de ses tripes, il bouillonnait de colère, même Evan avait dû le trouver insupportable quand, toute la nuit durant, il n'avait cessé de se retourner, encore et encore dans leur propre lit.

Il devait agir.

Alors, il aurait dû demander à Evan de lui servir de binôme – il savait que le blond n'aurait pas refusé et Barty aurait même été fou de joie de retrouver leur duo maléfique, mais une partie de la conscience de Barty avait refusé de mettre en danger son compagnon, alors même qu'il était recensé comme voyageur temporel.

Alors, Barty avait pris le métro. Prendre de tels moyens de transport lui donnaient toujours envie de vomir, c'était comme admettre que les sorciers étaient moins ingénieux que les moldus -  il avait gracieusement payé avec quelques livres volés sur le corps du sang de bourbe de l'autre jour, celui qui l'avait orné de ce si délicieux coquard.

Il n'avait pas été très long à trouver sa proie, en l'attendant à la sortie du ministère. Depuis quelques jours, il observait ses mimiques de vieil homme, ses habitudes et tout ce qui, chez lui, pouvait ressembler à un point faible.

Barty faisait attention, cet homme était un Auror, il avait sûrement arrêté bien plus rude que lui, mais l'âge aidant, il avait au moins le privilège de la jeunesse.

Lorsque Potter se fut établi au café habituel, Barty fut de même, squattant la chaise au face de la sienne sans pour autant lui demander son avis.

Il n'avait pas l'air si costaud, ni même puissant. Comment quelqu'un comme cela avait-il pu abattre le seigneur des ténèbres ?

« Salut Potter. », salua-t-il. « J'avais vraiment envie de boire un café mais je n'ai pas de flouze. Tu me l'offres ? Sois pas radin, hein. »

Il voulait savoir, il voulait tout savoir, il ne le lâchait pas des yeux, avec cette étincelle malveillante qui le caractérisait quand il préparait un mauvais coup.

« Paraît que t'es Auror, c'est ça ? Tu connais Alastor Maugrey, mon pote Potter ? »

Cela faisait plusieurs jours qu'il avait cette sensation désagréable d'être espionné. Peut-être que c'était lié à la fatigue qu'il tirait derrière lui. Lui, qui quittait rarement le boulot, avait décidé de faire des efforts en quittant son bureau le soir, pour essayer de rattraper les heures de sommeils en retard. Pourtant, ça n'aidait en rien la nouvelle sensation qui le dérangeait, le rendait paranoïaque. Combien de fois avait-il cessé de marcher pour se retourner et ne rien trouver ? Sans doute que cela finirait par s'arrêter, c'était certainement par ce qu'il terminait tard ou qu'il avait une trop grande imagination ? Harry préférait se dire cela, par ce qu'il ne voulait pas assumer qu'on puisse vouloir lui causer à nouveau des problèmes. En 42 ans, n'avait-il pas le droit à un peu de repos et de tranquillité ?

Ce soir-là, il était décidé à prendre un café et à se reposer. Il ne s'était pas attendu à être dérangé par la présence de quelqu'un qui ne lui semblait pas inconnu. Néanmoins, peu importe combien il essayait de se souvenir qui était face à lui, sa tête ne lui revenait pas. L'inconnu avait pris place en face de lui, sur la chaise qui était définitivement libre, tout comme la plupart de l'endroit. Donc ce n'était pas comme si son interlocuteur était obligé de venir s'installer avec lui, non, il avait toute la place ailleurs dont-il rêvé. Pourtant, il paraissait déterminer à venir l'embêter. Alors Potter pris sur lui, levant les yeux vers lui en rajustant ses lunettes.

- Bonsoir. Souffla-t-il ennuyer.

À mesure qu'il l'observait, Harry réalisa que l'homme qui se tenait face à lui, n'était qu'un jeune garçon et qu'il comprenait pourquoi il avait cette impression de déjà vu. C'était Barty ! Bon sang. Comment se faisait-il qu'il n'avait pas été mis au courant de son arrivée à cette époque ? Il était censé être à la tête du bureau des voyageurs temporels, il savait même qu'Evan Rosier était ici. Ils lui avaient même confisqué sa putain de baguette ! Il soupira en se massant la nuque.

- Tu peux avoir un café si c'est ce que tu souhaites. Tu peux également prendre de quoi manger si cela te chante. Dit-il en poussant la carte dans sa direction.

Si ce mangemort devait être bloqué avec lui, alors autant essayer de se montrer courtois, il n'avait guère envie de devoir le frapper et l'attacher sur cette foutue chaise. Alors, il agissait comme si cela ne l'affectait pas plus que ça, par ce que c'était plus ou moins le cas. Il était fatigué de devoir être celui-ci qui est visé par les forces du mal.

- Alastor Maugrey ? Oui, bien sûr que je le connais. Il se pencha légèrement vers Barty, haussant un sourcil. Qu'est-ce que tu lui veux ?

Il avait bien vu cette foutue étincelle dans ses yeux, mais il ne pouvait rien faire, il n'allait pas le tuer pour cette raison, bien qu'il sache qu'il allait lui poser un problème.

- Quoique tu veuilles Barty. Tu arrives trop tard. Il est mort le 27 juillet 1997.

Barty étira tout son corps. Lentement et il était grand. Ses petits yeux de hyène observaient Potter comme s'il s'attendait à ce qu'il sorte sa baguette à n'importe quel moment, pour n'importe quelle occasion.

Il ne le fit pas, pas pour le moment, Potter semblait être si blasé qu'il eut envie d'en rire, de lui sortir une de ces blagues vaseuses qu'il racontait parfois à Evan un souvenir goguenard aux lèvres.

C'est un Mangemort, un Sang de bourbe et un Auror qui entrent dans un café. Vous connaissez la suite ?

Il aurait pu, mais il s'en était abstenu, la teneur de leur future conversation était trop précieuse et Barty était avide de renseignement (au moins autant qu'il était avide à l'idée de provoquer l'Auror Potter qui était tellement le portrait craché de Potter père qu'il en avait presque la nausée.) Sauf les yeux évidemment, il n'avait pas ses yeux.

Barty soupira.

Il y avait quelques petites choses ambiguës dans cette conversation : tout d'abord le fait que personne n'appelle de renfort ou qu'on ne cherche pas à voir s'il était armé, mais également le fait que Potter le reconnaisse aussi facilement. Cela posa aussitôt problème à Barty, voulant jouer le mystérieux, l'énervant, le manipulateur.

« Je vais prendre des petits gateaux et un café. », lança-t-il au serveur, plus d'aussi bonne humeur.

Le problème, c'était qu'il l'avait appelé Barty comme s'il le connaissait. Potter aurait pu voir son portrait parmi ceux des anciens Mangemorts, mais il l'aurait sans doute appelé Bartemius, comme c'était écrit sur sa tombe. Le nom qu'il haïssait, de la part de quelqu'un qu'il détestait.

Il l'avait appelé Barty.

« On se connaît, mon doux Potter ? Je t'ai blessé, par le passé ? Ou j'ai tué une de tes copines ? », il eut un rire tordu. « Et ce que je veux à Maugrey ? Je ne sais pas, lui arracher les ongles un par un, sinon, le supplice de la plume est pas mal, ou même un Doloris, mais je pense que ce serait trop simple. Ou je le mets sous Imperium et je le pousse à tuer des Sangs-de-Bourbe. Tu verrais ça, je suis très fort en Imperium. »

La lueur revint dans ses yeux, le sourire malsain également. Nul supplice ne paraissait assez sévère concernant l'assassin d'Evan Rosier. Ce qui remuait son âme au moment où il prononçait ces mots n'était que pur chaos, un désir de vengeance qui le remuait jusqu'au plus profond de ces entrailles et qui serait sans doute toujours présent. Evan avait beau être présent de nouveau, il ne pouvait pas oublier l'époque qu'il avait vécu et le cadavre blanchâtre de son amant, ses lèvres cyanurées et les blessures sur son corps. Les larmes de Pandora, l'engueulade qui avait suivi, l'odeur dans le lit, des jours après, le fait qu'il dorme ensuite à même le sol.

« J'espère qu'il a souffert, alors, Potter. La date est précise. Tu pourrais me raconter comment ? C'est con, on est en public, j'vais éviter de me palucher devant ce récit. »

On leur servit leur commande, Barty se précipita sur les gâteaux comme s'il n'avait pas mangé depuis des jours – c'était sûrement le cas, à un moment où manger était loin de faire partie de ses priorités, où Bellatrix paraissait presque sympathique et qu'il s'était vendu corps et âme à la cause du Seigneur des Ténèbres.

Il avait d'autres questions à poser à Potter, sur Regulus, sur ses amis d'autant, mais il restait pour le moment bloqué sur Maugrey.

Regulus attendrait, et puis il ne savait pas si c'était une très bonne idée que d'évoquer son nom en la présence d'un Auror : le faire ne le rendrait sûrement que plus paranoïaque s'il en entendait parler et il finirait par se cacher. On se méprenait souvent sur les intentions de Croupton fils.