L’aube est instructive pour les esprits tourmentés

La mélancolie de ces derniers jours était tout particulière, comme le brouillard qui s’aventure le long d’un lac à l’aube d’une nouvelle journée. Tout aussi effrayant que cela puisse paraître, cela présage en revanche un temps meilleur pour le futur. Alors pourquoi cette aura si triste traverse mon visage ? Est-ce parce qu’un avenir meilleur m’attend ici, dans le passé. Cette divagation du temps pourrait-elle avoir raison face à mon âme tourmentée ? Je me pose sans cesse cette fichue question sans pour autant trouver toutes les réponses. Retrouver mes parents n’y change rien puisqu’ils ne sont pas au courant de mon existence. Même leur amour est encore frêle et frais pour la rosée du matin et je ne saurais pas leur avouer que je suis le fruit d’un amour interdit, conséquence d’une divagation du temps dans laquelle je me trouve actuellement.

Les pensées qui vagabondent mon esprit m’empêche à nouveau de trouver le sommeil plus longtemps alors en cette matinée d’hiver, je décide de me rendre dans le parc pour une balade à l’aube, avant de commencer une nouvelle journée de cours et d’enfiler à nouveau le masque de Jamie Willington, simple élève de Gryffondor qui est silencieux et solitaire. Traits de caractères étranges pour un Gryffondor mais en même temps la loyauté de l’âme n’est en rien l’égal d’un choix. Les pas me guidant jusqu’au parc encore plongé dans la semi-obscurité, je marche sans but précis, simplement pour me retrouver en paix avec mon esprit même si cela est une chimère que je m’entête à obtenir. Habillé aux couleurs de ma maison, je reconnais malgré tous les couleurs de la maison qui m’a vu grandir dans le futur. La maison Serdaigle. Les cheveux blonds de la jeune femme qui me précèdent m’intriguent alors et je me décide à la suivre. Qui peut bien se promener dans les dédales d’un château aussi immense à une heure aussi matinale ? En dehors de ma propre personne puisque je suis ici également. Je secoue la tête pour reprendre mes esprits embrumés pour me retrouver dans une des parties les plus éloignées du château, une partie boisée derrière la cabane du garde-chasse. Je sais que la forêt interdite n’est pas loin mais avant d’y entrer trop en profondeur, je retrouve cette jeune élève de Serdaigle qui est en compagnie de créatures que je n’avais alors encore jamais vus.

Stupéfait et abasourdi par le troupeau de créatures ressemblant à des cheveux ailés mais entièrement faits d’ossements sombres, je m’avance à pas feutrés pour mieux contemplés ces animaux encore méconnus et pourtant fascinants. Les branches craquent sous mes pas alors que je m’avance vers l’élève et ses compagnons mystérieux tout en conservant mon regard sur eux :

« Qu’est-ce donc que ces créatures ? »

C’était comme si je me retrouvais comme hypnotisé face à ses êtres fantastiques. Une part de moi était intrigué par leur apparence peu orthodoxe et en même temps, je ne me sentais nullement effrayé par eux, plutôt attiré même. C’est avec cet étrange sentiment que je m’approchais de l’endroit tout en restant dans un premier temps silencieux sans pour autant me cacher.

Cependant, rapidement, une branche craqua sous mes pas et que je ne pus rester plus longtemps dans le silence. Loin de moi l’idée d’effrayer ni les créatures ni l’élève, mais que cela soit les uns ou l’autre, ils ne semblent pas vraiment surpris. Peut-être que cette jeune élève a deviné qu’elle était suivie de si bonne heure ce matin. En même temps, je n’avais pas cherché à me cacher, simplement, j'étais resté discret comme souvent. Finalement, je me permets de poser une question qui semble évidente vue la situation, mais qui me parait néanmoins nécessaire. J’en oublie même la politesse de base même si ce n’est pas mon genre.

Et la réponse de cette jeune demoiselle me laisse à perplexe. Seules les personnes qui ont vu la mort peuvent les voir. Aussitôt ma gorge se serre et une boule se forme dans mon estomac. Avoir vu la mort de près, c'est un fait, une certitude. Je ne peux pas le nier et pire encore, cela va me hanter pendant encore un moment, je le crains.

Je déglutis avec difficulté tout en avançant jusqu’à la hauteur de la demoiselle en restant légèrement en retrait par rapport à elle. Je n’ose pas m’imposer ou même les déranger, mais ils ne semblent pas plus effrayer que cela par ma présence. Comme s’ils étaient même soulagés d’être approchés et peut-être de ne pas être ignorés. S’ils ne sont pas visibles de tous, ils doivent se sentir bien seuls.

« Ils sont étrangement intriguants et captivants. »

Mon regard ne parvient pas à se détacher d’eux et d’un en particulier. Pas celui qui est le plus proche de la jeune élève, mais un autre qui me regarde autant que je le regarde. Lorsqu’elle reprend la parole pour me proposer de les nourrir, je m’approche d’elle en la regardant pour la première fois véritablement. Mon regard croise le sien et j’y lis beaucoup de douceur et d’innocence tout en ressentant cette pointe de mélancolie que je pourrais avoir dans le regard également. Et je réalise que si elle les voit, c’est qu’elle a connu la mort de près également. J’ai un faible sourire sur les lèvres en attrapant le mouchoir que je déplie lentement :

« Merci… »

Je regarde les tranches de bacon un instant avant d’en saisir une et de la tendre vers le Sombral qui me fixe autant que je le fixe. C’est comme s’il y avait une certaine alchimie que je ne parviens pas à expliquer. Il la sent un instant et la capture la seconde suivante pour l’avaler d’une traite. Aussitôt un sourire plus sincère se forme sur mon visage avant de me tourner à nouveau vers la demoiselle :

« Tu viens ici tous les jours ? Tu sembles les connaitre ? Tu es élève ici depuis longtemps ou… tu viens d’arriver ? »

Une façon détournée de savoir si c’est une voyageuse du temps comme moi. Je peux d’ores et déjà dire qu’elle n’est pas de mon époque, je pense que je me serais souvenu de cette crinière blonde et de ce regard si je l’avais déjà croisé auparavant.