Retrouver la Joncheruine # Luna

Barty ne savait pas vraiment ce qu'il était venu foutre à Pré-au-Lard, mais il supposait qu'il s'était laissé guider par de stupides souvenirs.

Cette fois où Evan et lui s'étaient embrassés sous ce porche, cette fois où ils s'étaient disputés pour se rabibocher cent mètres plus loin après deux interminables minutes à se faire la gueule, les promenades à quatre, Evan, lui, Regulus et Pandora.

Peut-être était-il là, sous cape, pour chercher des nouvelles des deux derniers.

S'il ne quittait plus Evan (par Salazar, l'avoir retrouvé lui donnait l'impression d'avoir renoué avec son esprit, bien qu'il n'en avait pas beaucoup), Regulus et Pandora demeuraient perdus. La colère dirigée vers le jeune Black était toujours présente, et le choc d'avoir perdu Pandora à son tour l'empêchait d'être pleinement heureux.

Peut-être aurait-il des réponses à Pré-au-Lard, se disait-il. Peut-être qu'un de ses amis était dans le château et qu'il pourrait remonter la piste ici-bas. Concernant Regulus, il y aurait sûrement une belle engueulade suivi d'un « non mais tu pourrais nous parler de tes projets à la con ! » et si il retrouvait Pandora, il savait qu'il se mettra à pleurer avant de se jeter dans ses bras.

Barty était à fleur de peau ces derniers temps.

Soupirant, il se dirigea vers un kiosque, regardant les quelques titres disponibles. Parmi ces derniers, un titre qui lui évoqua une jeune fille aux cheveux blonds couleur lune, avec son abruti de mari. Il y eut un petit rire et Barty s'empara du Chicaneur.

Les titres étaient farfelus et lui firent lever un sourcil. On parlait d'animaux inconnus (et même s'il n'avait pas été très attentif aux cours de soins aux créatures magiques, il aurait juré que ces derniers n'étaient pas très réels.) Pire, qu'il avait déjà entendu Pandora en parler.

« Une Joncheruine, mais évidemment. », pouffa-t-il avant qu'une voix ne l'interrompisse dans sa lecture.

« C'est deux noises. »

« Attends, attends, j'ai que de l'argent moldu moi. Je l'achète pas, je regarde que les gros titres. T'as vu ça, paraîtrait qu'une Joncheruine serait en liberté dans le secteur !!! »

« C'est que des conneries, tout ça. Lâche ce journal, c'est deux noises. »

La voix qui vint interrompre leurs petites piques qui finiraient sûrement par le magazine dans la tronche de ce gérant était fraîche et lunaire.

C'était tout à fait le style de Barty, sans gêne et très direct, capable de s'adresser à un inconnu parfaitement bourru comme s'il était un proche non assumé (ce qu'il faisait actuellement). Sa manière de s'accouder sur le comptoir, d'avoir le dos légèrement courbé ou de bailler au milieu de ses phrases laissait trahir une basse éducation.

Ce serait du moins des propos qu'il lui semblerait entendre tout droit sortis de la bouche de son père, raison de plus pour forcer un peu plus la caricature. Si ce dernier savait qu'il sortait avec un Rosier, il sortirait sûrement de sa tombe en mode zombie pour s'agiter une dernière fois – et qu'il fasse cela, Barty ne serait que très heureux de trouver une pelle pour lui casser la gueule.

Un léger rire, sans aucun rapport avec la conversation ou même la façon de lire le Chicaneur sortit de sa bouche en songeant à cette idée grâcieuse, puis Barty se raccrocha au réel.

La nouvelle arrivée avait de jolis cheveux blonds qui ondulaient un peu, des yeux d'une profondeur qu'il aima immédiatement. Chacun de ses mots semblaient être comme prononcés avec une profondeur intense. Plus que tout, cette jeune femme lui était vaguement familière et s'il se comportait comme un connard complet envers le type à sa gauche, il ne le fit pas.

« Ah oui, en effet, attends. »

Il y avait quelque chose dans la façon dont les cheveux de la fille ondulaient, son ton ou son regard qui le rendait légèrement nostalgique. Il fut pensif quelques secondes avant de se rendre compte qu'ils étaient exactement de la même couleur que ceux de Pandora – sa si douce Pandora, celle avec laquelle il s'était mis en colère pendant les derniers instants de sa vie, avant de la prendre dans ses bras et d'admettre qu'elle avait tellement raison.

Était-ce sa fille ? Ou une descendante quelconque de la famille Sailstream ? S'il se souvenait bien, Pandora avait eu une fille, non ? Quel était son prénom, déjà ?

« Rentrer dans ton oreille pour manger ton cerveau ? Mais c'est dégoûtant ! »

-C'est deux noises, surtout., rappela le marchand, tirant légèrement vers lui le journal.

« Super ça, je veux tout savoir, je veux le lire à l'envers et tu m'aides à déchiffrer tous les messages que le ministère tente de nous cacher. Je déteste le ministère, tu sais, juste une bande de parvenus. », il pouffa de rire alors que le marchand tire sur le journal pour le retirer de ses mains.

Le papier craque.

« Ben c'est malin ! Maintenant il est cassé ! »

Barty se retourna vers Luna, tout souriant, comme s'il ne s'était rien passé. Et d'ailleurs, pour cause, il ne s'était rien passé, il n'y avait aucune raison de paniquer pour un vendeur de journaux plus musclé qu'eux, surtout qu'il était un Mangemort reconnu et qu'il avait à son actif un bon nombre de crimes divers et variés.

« Tu ressembles à quelqu'un que j'ai connu par le passé, une fée nommée Pandora. Ce nom t'évoque-t-il quelque chose ? »

Elle s'appelle Regulus ? Elle s'appelle Regulus en second prénom ? Barty a envie de souffler, de jurer et de secouer Pandora à ce moment précis, mais il ne peut pas, elle était absente.

Lui avait-elle au moins dit ou elle l'avait caché ? Avait-il ignoré l'information, trop préoccupé par le décès récent d'Evan pour la balayer de sa main avec quelque phrase stupide du genre de « je m'en fous de ta môme en couches », juste avant de gueuler contre elle.

C'était tout à fait possible.

Regulus, tout de même, quel comble, il a envie de rire et de pleurer à la fois. Regulus, le nom de ce lâche qui n'a pas su compter sur eux et qui leur laisse à tous un vide affreux dans le cœur.

Pourtant, ce n'est pas la faute de Luna, elle ne doit même pas savoir qui est ce Regulus et alors qu'il pense à tout cela, Luna se penche vers lui pour lui chuchoter quelques mots à l'oreille. Il avait presque oublié qu'il n'était pas bien voulu par ici, aussi remercie-t-il sa présence d'esprit. Le nom, Croupton, revient dans son cœur comme un coup de marteau – bordel, il s'appelle comme ça, c'est vrai. S'ils se marient, il s'arrangera pour prendre celui d'Evan, il est tellement plus cool.

« C'est moi ouais. Ça m'étonne, nous nous étions disputé les dernières fois qu'on s'est vus. Pandora a toujours été prompte à pardonner, nous ne la méritons pas. », dit-il, un sourire triste aux lèvres.

« Tes oncles ? Et bien quels oncles nous devions être ! Si tu savais le nombre de conneries que nous avons faites à Poudlard, haha ! J'ai retrouvé Evan, c'est le vrai. Je pense que je serai devenu fou sans lui. C'est vrai qu'il est beau, tu as raison. Il est sur quels magazines, tu sais ? »

Il ne sait pas pourquoi il lui dit ça, c'est pourtant une gamine, il ne devrait pas lui dire ces choses-là. Pourtant, c'est aussi LA gamine de Pandora, elle a ce quelque chose d'attirant, celui qui vous pousse à lui faire confiance, d'ailleurs, Barty commence à marcher un peu avec elle pour s'éloigner du marchand de journaux. Il ne sait pas ce que ce dernier peut entendre ou non, il a tout sauf envie de voir débarquer une escouade d'Aurors à Pré-au-Lard.

Par rapport à Evan, un soupçon de jalousie pique son cœur à l'idée que d'autres puissent admirer la silhouette avantageuse de ce dernier. C'est stupide, Barty sait bien qu'ils ne sont que l'un pour l'autre, qu'Evan ne se détournera pas de lui de sitôt, pourtant...

« J'ai hâte aussi, je vais tenter de contacter Pandora. Et toi ? Tu as pu voir Regulus ? Nous devons parler. »

Son air se fait bien plus sombre, car les affaires qui le lient à Regulus le sont tout autant. Barty n'a pas hâte de cette conversation, car il sait d'avance que l'autre Serpentard va tenter de fuir, l'éviter. L'acculer semble être la meilleure solution. Ce qui est fou avec Pré-au-Lard, c'est cette impression de vacances perpétuelles, celle qui dit qu'il est bientôt temps de retourner à Poudlard. Pourtant, les cours sont finis, cette vie est finies, la marque collée à son bras en est bien la preuve.

Barty n'est pas un gentil, il n'est pas tout à fait méchant non plus, il ne sait tout simplement plus se placer ; refuse, plus que tout au monde, de voir mourir des personnes qui lui sont chères comme la dernière fois.

« Regulus est mort si rapidement, on nous a dit qu'il était un traître à son sang. Il n'est même pas venu nous voir. »

Barty n'avait entendu qu'une seule chose :

Evan Rosier avait posé devant des dizaines de photographes avec parfois juste une seule chaussette en guise de vêtements de fortune. Pire, des dizaines de mecs pervers devaient acheter ces journaux de merde, sans doute pour se pignoler devant la silhouette de l'homme qu'il aimait.

Comprenez donc qu'il se raidit, qu'il devint blanc, puis rouge, puis encore blanc. Sa main s'était crispée sur la manche de Luna, ne sachant pas vraiment comment réagir, mis à part en interpelant tous les fabriquants de journaux, se rendant dans leurs locaux pour leur infliger des doloris incroyables à chacun.

Et lui qui n'avait pas demandé à Ev' ce qu'il faisait depuis qu'il était arrivé ici, c'était logique, il devait bien gagner sa vie pour se faire un peu de sous et...il fallait bien reconnaître que Ev était extrêmement beau. Barty comprenait qu'il ait été retenu pour quelque chose comme ça, il détestait juste les types qui le faisaient se déshabiller pour eux.

« Quels connards. », jura-t-il. « Regulus. Pourquoi tu ? Ah oui, Regulus. »

Pendant un instant, Barty avait quasiment oublié qu'il avait parlé de Regulus et de sa tendance à se foutre dans la merde, désormais préoccupé par l'idée d'acheter tous les journaux où Evan avait posé pour découper les pages en question pour faire un mur d'Evan à poil chez lui. Enfin chez les moldus dont il gardait l'appartement, ce qui ne serait sûrement pas très approprié.

« Tu lui diras que. Enfin. C'est un petit trouillard, ne lui dis rien du tout, il est sûrement persuadé que je veux le tuer, c'est totalement absurde, cet idiot est mon ami. Je sais, pour cette histoire de trahison. Je ne suis pas idiot, presque pas, du moins. Je regrette juste qu'il ne nous ait pas demandé de l'aide, tu sais. Si nous sommes devenus Mangemorts, c'était en partie pour lui. »

Et Barty avait été assez vexé de voir que Reg' préférait aller à la mort tout seul plutôt que demander de l'aide à ses amis. Il se demanda si Luna avait vécu quelque chose de similaire. Si il devait lui poser des questions ou si c'était tabou. Oh, et puis ce n'était pas comme s'il était venu ici très légalement.

« Et toi ? T'as l'air de bien connaître les évènements du passé. T'as combattu le seigneur des ténèbres, c'est ça ? Tu m'as rencontré vieux ou j'étais déjà mort ? J'étais beau, si oui ? »

Il fit son plus beau sourire, puis ne put s'empêcher de revenir au point central.

Le primordial, en réalité.

« Euh. Sinon, ce sont quels journaux qui mettent des photos d'Ev' à poil ? Tu connais les photographes ? On peut en acheter là, si t'as de l'argent ? »