Quand la divination illusoire rapproche les cœur Feat Elijah

L’on dit parfois que le temps guérit les blessures mais je pense surtout que le temps endors les plaies et que par moment, d’autres faits se produisent pour rouvrir ces mêmes blessures à vif et cela sans prévenir. C’est peut-être pour cela que je me retrouve dans cet état semi-permanent de mélancolie. Je ne parviens pas à redevenir totalement celui que j’étais avant… Mais je n’arrive pas non plus à être très différent de moi-même. Je pourrais m’assombrir, me tourner vers des forces plus obscurs pour tenter de me remettre de tout ce que j’ai vécu mais non à la place, je choisis simplement de me renfermer et d’attendre que le temps passe… Enfin je choisis, c’est un bien grand mot. Je subis le temps qui passe serait plus exact.

Déjà retrouver mes parents même s’ils n’ont pas conscience d’être mes futurs parents m’as fait du bien. J’ai l’impression de ne pas être totalement seul même si je reste le solitaire. Cette nouvelle réputation qui me colle à la peau depuis que je suis arrivé dans cette temporalité. Mais au moins, je sais que ma mère et mon père pourront m’aider et me soutenir au besoin et cela même s’il faudrait que j’enfreigne la règle de leur révéler mon identité. Cependant vu la perspicacité de ces deux-là cela me semble difficile de conserver ce secret bien longtemps. Alors en attendant, je continue à faire en sorte que le temps passe et qu’il panse mes plaies…

Mais alors que je patientais devant la salle de divination, adossé contre le mur, le regard dans le vide écoutant de façon lointaine les autres élèves, un son me fit aussitôt relever la tête. Ce rire, cette douce mélodie que j’étais persuadé de reconnaitre. Aussitôt mon cœur se figea tout comme le reste de mon corps alors que cet éclat de voix m’avait comme réveillé. Et si elle avait fait ce bond temporel avec moi. Et si en fait, nous allions pouvoir nous retrouver ici et vivre heureux l’un avec l’autre… enfin… je ne peux retenir mes jambes qui s’avancent toutes seules jusqu’à ce groupe de fille mais surtout jusqu’à cette jeune femme que je suis persuadé d’avoir reconnu. Sans un mot, sans un avertissement, je saisis son bras vivement mais sans la brusquée. Et je croise ce regard qui n’est pas celui auquel j’avais tant espéré. Mon visage se décompose devant mon erreur évidente et je relâche aussitôt la pression sur le bras de cette demoiselle qui n’a rien demandé.

« Désolé… Je… J’ai cru que tu étais… quelqu’un d’autre… »

Je suis aussitôt triste et démuni de m’être trompé et avant que cela ne puisse se voir, je baisse les yeux et profite de l’arrivée de la professeure pour entrer dans la classe sans demander mon reste et aller m’asseoir sur une des petites tables de la salle de classe. Les cours de divination sont assez soporifiques, mais ils ont le mérite de ne pas être trop complexes et ne demande pas tant de concentration que cela. Cela me permet de poser à plusieurs reprises mon regard sur cette jeune élève qui m’intrigue. Elle avait véritablement le même rire que celle qui faisait battre mon cœur. Serait-il possible qu’elle prenne du polynectar afin de ne pas dévoiler son véritable visage ou est-ce qu’une fois encore, je me fais des idées ? Dès qu’elle semble regarder dans ma direction, je dévie mon regard dans le but de ne pas croiser le sien comme si j’avais peur de me perdre dedans, mais je ne peux pas nier qu’entendre ce rire et ressentir cet espoir m’a profondément troublé.

Soudainement, la Professeure décide de nous faire faire une activité en groupe de deux. Je regarde la place vide à côté de moi et songe à l’idée que je ferais probablement l’activité tout seul comme souvent depuis que je suis arrivé ici. Attitude solitaire oblige… Et j’attends alors mon prénom me faisait relever aussitôt les yeux vers la personne qui demande à se mettre avec moi. Non, mais elle le fait exprès ce n’est pas possible… si elle rit à côté de moi, je ne donne pas cher de ma peau et de ma contenance. Je croise le regard de la professeure qui semble hésiter et je hoche la tête de droite à gauche pour lui signifier que je ne suis pas forcément en accord avec cela mais elle accède malgré tout à la requête de cette jeune femme dont j’ignore toujours le prénom – même si ce dernier n’est surement pas le bon , fausse identité oblige.

Je la regarde se diriger vers moi et je n’aime pas la sensation d’observation par toute la classe que je suis obligé de subir par sa faute… comme pour oublier l’embarras dans lequel je suis, je garde mes yeux sur elle sans broncher davantage et je lui tends ma main pour lui répondre avec un ton neutre :

« Jamie… mais tu le sais déjà… »

Une fois qu’elle est assise, la professeure reprend la parole et je l’écoute avec plus d’attention pour ne pas avoir à penser à cette jeune fille qui est assise à côté de moi désormais. Les regards sur nous se dissipent en même temps que l’exercice commence et je ne peux me retenir de préparer le matériel dans un silence relatif jusqu’à ce qu’une force que je n’explique pas me pousse à relever les yeux vers elle, à croiser son regard et même à être un peu plus amical que je n’aurais pu l’être en temps normal.

« Pourquoi avoir voulu faire l’exercice avec moi ? Rosie… »

S’appelle-t-elle vraiment ainsi ? D’où vient-elle ? Tant de question que j’aimerais soudainement lui poser sans comprendre pourquoi… Son sourire est comme hypnotisant et une part de moi à fortement envie de se laisser porter par cette rousse rieuse et charmeuse…

Encore troublé par le simple son étrange et nostalgique d’un rire qui me revient en mémoire comme un souvenir douloureux, je me rends dans le cours de Divination en repensant silencieusement à la jeune femme qui a émis le bruit. Dans mon esprit torturé, je m’imagine tout un tas de stratagèmes qui raniment en moi l’espoir douloureux de retrouvailles qui j’imagine sont illusoires.

Cependant, si j’avais l’infime espoir de pouvoir être tranquille et retrouver ma paix intérieure durant le cours suivant, c’était bien mal penser que l’élève que j’avais interpellé par erreur quelques instants plus tôt, allait demander au professeur de faire les exercices avec moi. Pris de court, je me suis retrouvé en sa compagnie à ma table pour faire un exercice dont je n’avais strictement rien à faire. Cependant, un fait assez surprenant se produisit alors qu’elle est à côté de moi depuis quelques secondes seulement. Je pense soudainement à des questions qui la concernent. Comme si j’étais désireux de la connaître davantage et tout à fait impatient alors que quelques instants plus tôt, j’aurais voulu m’enfuir du cours pour éviter d’être à ses côtés.

Sa réponse me touche autant qu’elle me rend nostalgique et je souris brièvement avant de reposer mes yeux sur la tasse de divination qui se trouve devant moi. En tentant de commencer l’exercice, je lui réponds :

« Et… Cela n’a rien à voir avec le fait que je t’ai interpellé par erreur… D’ailleurs, je m’excuse à nouveau pour ce… enfin pour tout à l’heure. »

Je ne trouve pas mes mots comme si elle m’intimidait, mais ce n’est pas possible. Je fronce légèrement les sourcils alors que tout le monde commence l’exercice et que je tente de faire de même, mais Rosie se rapproche et chuchote quelques mots. Sa voix me donne des frissons et j’ai à nouveau cette impression de perte de contrôle… Mes yeux se relèvent à nouveau vers elle et mon regard plonge dans le sien. L’instant ne dure pas, mais il est pourtant puissant et déstabilisateur.

« Je… »

Mon regard s’abaisse sur sa lèvre qu’elle mordille et je déglutis avec difficulté tandis que je tente de trouver mes mots. Mais je ne peux décemment pas lui révéler qui je suis aussi aisément. Je tente alors une pirouette avec un sourire aux coins des lèvres :

« Je crois malheureusement qu’il m’est impossible de te répondre sans faire de vagues, alors je dirais simplement que je suis Jamie et toi Rosie… Même si nous savons l’un comme l’autre que ce n’est pas le cas… Autant jouer le jeu, c’est plus intéressant. »

J’ai l’impression de revenir des années en arrière et de retrouver ce côté charmeur et espiègle qui était le mien lorsque j’étais encore ignorant de la monstruosité du monde. Je me remets sur l’exercice lorsque je me rends compte qu’elle me regarde à nouveau. Je relève à nouveau les yeux et chuchote toujours en reprenant la parole :

« Ne sois pas déçue, si tu me supportes assez longtemps, peut-être que je te le dirais… »

Je me surprends moi-même à lui parler ainsi et à être aussi à l’aise avec quelqu’un, cela faisait si longtemps que cela ne m’était pas arrivé…

Repenser à celle qui avait fait renaître l’espace d’un instant tout espoir d’une vie meilleure m’avait fait subir un véritable ascenseur émotionnel et je crains que sans la présence de Rosie à mes côtés pour l’exercice de groupe, j’aurais probablement esquivé le cours pour m’isoler un peu et reprendre mes esprits. Mais il a fallu qu’elle s’intéresse à ma personne, qu’elle demande à faire ce fichu exercice avec moi et qu’elle me parle. Et pourtant, dès que mon regard se pose sur elle, je me sens comme moins frustré, moins contrarié de la situation. J’arrive même à discuter et à plaisanter avec elle, fait suffisamment rare ces derniers temps pour être souligné.

« Ne t'en fais pas, c'était peine perdue de croire qu’elle pourrait être ici de toute façon… »

Je me trouvais quelque peu défaitiste de penser ainsi, mais en même temps, j'avais vu son corps, elle était morte et même tous les chamboulements temporels du monde ne pourraient pas faire renaître les morts, si ? Du moins, c’était ce que je pensais, même si la rumeur des voyageurs du passé me faisait espérer. Si les voyageurs du passé pouvaient renaître, est-ce que les voyageurs du futur le pouvaient également ? Rien n’était moins certain.

L’on commença alors le travail demandé par le professeur et je tentais de trouver un semblant de concentration, cependant, visiblement ma partenaire de travail semble plus enclin à discuter et en un regard, je me retrouve à discuter et même à reconnaître la personne que j’étais avant… Cela me surprend et en même temps, c’est comme si c’était rassurant de me sentir autant serein. J’entre même dans son jeu de ne pas révéler mon identité véritable et lui propose de garder le secret pour mettre un peu de charme à la rencontre.

« Humm… une rebelle ? C’est intéressant. »

J’ai un sourire pour elle avant de baisser les yeux vers la tasse qui se trouve devant moi et de me remettre à l’exercice. Et puis le côté taquin revient alors que je croise à nouveau son regard et je me surprends à la chambrer sur le fait de me supporter. Même si je suis particulièrement loquace en cet instant, je suis clairement devenu taciturne depuis que je suis ici et je doute que cela change aussi aisément. Elle accepte mon marché et me retourne le défi d’arriver à la supporter. Regardant son mordillement de lèvres, je parle sans réfléchir :

« Vu tes talents d’ensorceleuse pour me faire parler, cela ne devrait pas être compliqué… »

Je la regarde, un sourire au coin des lèvres. Je n’ai pas souri depuis si longtemps… et cela me fait du bien… me sentir à nouveau comme quelqu’un de normal. Sans faire attention, je me penche vers elle et murmure :

« Avoues, que tu m’as ensorcelé, Rosie Stuart… »